
« Ce soir marque l’ouverture officielle du service de radiodiffusion international du Canada. Le programme est entièrement canadien dans sa création et son esprit. »
C’est par ces mots que le premier ministre du Canada, William Lyon Mackenzie King, a inauguré la voix du Canada sur le monde le 25 février 1945. Elle a d’abord été connue sous le nom de CBC International Service, puis sous le nom de Radio Canada International ou RCI.
Le fait que RCI existe encore est un miracle.
C’est aussi l’histoire tragique d’un service incroyablement ingénieux et efficace qui a été dépouillé de son personnel, de ses ressources et de ses budgets, décennie après décennie.
Dès ses débuts, RCI était bien plus qu’un simple service de nouvelles canadien. À partir de 1947, elle a popularisé le talent musical canadien en enregistrant des musiciens, des groupes et des orchestres canadiens et en distribuant ces enregistrements dans le monde entier sous l’étiquette RCI. Parmi eux, Glenn Gould, Oscar Peterson, André Gagnon, Pauline Julien et Gilles Vigneault.
Mais il y avait plus que de la musique. Il y avait des drames canadiens, des documentaires et des reportages qui étaient partagés avec des radiodiffuseurs du monde entier.
Au cœur du mandat de RCI se trouvait la présentation du Canada au monde entier, d’une manière que les auditeurs qui ne connaissaient pas le Canada ou la réalité canadienne pourraient comprendre. Nous le faisions dans nos deux langues officielles, l’anglais et le français, et dans plusieurs autres langues.
Nous n’avons jamais eu les ressources des grands radiodiffuseurs internationaux comme BBC World Service, mais il n’est pas surprenant que notre dévouement et nos reportages honnêtes aient attiré des millions d’auditeurs dans le monde entier et que nous ayons été populaires bien au-delà de nos ressources.
Les questions budgétaires ont toujours été un problème. Mais jusqu’aux années 1990, notre relation avec le radiodiffuseur public national du Canada, CBC/Radio-Canada, était celle d’un locataire et d’un propriétaire. CBC/Radio-Canada fournissait les installations techniques, les studios et les bureaux – moyennant des frais – et RCI produisait de manière indépendante des émissions destinées à des auditoires internationaux.
La situation a radicalement changé dans les années 1990. En 1990, dans le but de minimiser l’impact des coupes budgétaires sur le service national, CBC/Radio-Canada a pris le budget prévu pour RCI et a annoncé la fermeture du service international. Des protestations au Canada et partout dans le monde ont finalement sauvé le service, mais RCI a perdu la moitié de ses services linguistiques.
Deux autres tentatives de fermeture de RCI pour des raisons budgétaires en 1995 et 1996 ont échoué. Une période de calme relatif a ensuite continué jusqu’en 2001, après que le gouvernement de l’époque a garanti un certain financement et même fourni de l’argent pour des investissements en infrastructures pour RCI.
Cependant, lorsque cela a pris fin, CBC/Radio-Canada a de nouveau commencé à réduire les coûts de RCI et a en même temps essayé de modifier le mandat international de RCI.
En 2012, lorsque le gouvernement de l’époque a exigé une réduction de 10 % du budget de CBC/Radio-Canada, le radiodiffuseur national a décidé de réduire de 80 % le budget de RCI, éliminant ainsi la salle de nouvelles de RCI, plusieurs langues et services, ce qui a gravement handicapé la capacité de RCI à remplir son mandat international.
Comme si cela ne suffisait pas, CBC/Radio-Canada a interdit à RCI de diffuser sur les ondes courtes et a privé les auditeurs de Chine, entre autres, de la voix du Canada sur le monde. RCI est restée sur Internet, mais avec très peu de ressources.
Treize ans plus tard, RCI ne produit plus de programmation originale dans les langues officielles du Canada, l’anglais et le français. Les textes sur le site Web de RCI sont presque tous copiés-collés des sites Web anglais et français de CBC/Radio-Canada, sans aucune explication pour les auditoires hors Canada.
En l’absence de salle de nouvelles de RCI, le site Web n’a pas l’urgence associée à un site régulièrement mis à jour.
Alors, de quel avenir pouvons-nous parler alors que RCI fête ses 80 ans ? Certes, nos éloges funèbres ont été prononcés à maintes reprises. Et notre utilité actuelle a été remise en question.
RCI ne peut pas continuer à se retrouver dans une situation où les priorités de CBC/Radio-Canada ou les contraintes budgétaires ont une incidence sur sa capacité à servir les auditoires internationaux.
L’avenir de Radio Canada International ne doit pas être une préoccupation de dernière minute ou une priorité secondaire. C’est ce qui se produit depuis des décennies et c’est désastreux.
Et cette réflexion ne doit pas se limiter à RCI ou au Canada.
À un moment critique où des sources fiables de nouvelles et d’information sont nécessaires, les ressources de RCI doivent être rétablies, car elles sont désespérément nécessaires dans le monde entier, et elles doivent être fournies gratuitement à quiconque s’intéresse au Canada et à la position du Canada sur les affaires mondiales.
Est-ce que cela va se produire ? Nous avons été déçus à maintes reprises au cours des dernières décennies.
À maintes reprises, des partisans comme d’anciens ambassadeurs canadiens, un ancien premier ministre et tant d’autres ont reconnu l’importance d’un service véritablement international. Parfois, nous avons été sur le point d’obtenir la protection et la reconnaissance du mandat international de RCI, mais à d’autres moments, nous avons perdu du terrain.
Ce qui est remarquable, c’est la ténacité avec laquelle nous avons continué à nous battre pour notre service. Non pas parce que c’était notre travail, mais plutôt parce que c’était une vocation. Une conviction profonde que, en tant que fiers Canadiens, nous voulions partager notre réalité, le bon et le mauvais, avec les citoyens du monde. Et ces auditeurs ont répondu présents et ont apprécié notre programmation. Et cette réaction a à son tour souligné l’énorme responsabilité qui nous incombait en tant que journalistes et réalisateurs de faire du mieux que nous pouvions pour informer le monde sur le Canada.
Nous espérons pouvoir continuer à le faire.